Reduire le trafic et les embouteillages

Le marché mondial de l’IoT connaît une croissance spectaculaire qui démontre que les entreprises n’hésitent plus à étendre leurs déploiements au-delà de leurs frontières. Mais entre complexité réglementaire, diversité technologique, enjeux de sécurité et défis logistiques, le déploiement international d’objets connectés nécessite une approche méthodique et un accompagnement expert. Alae Assoussi, IoT Pre-Sales & TAM manager chez Objenious, filiale IoT de Bouygues Telecom Business, décrypte les défis à relever et les stratégies gagnantes pour un déploiement maîtrisé.

Le marché de l’IoT croît et s’étend au-delà de nos frontières

D’après une étude de Statista, le marché mondial de l’IoT devrait approcher 1 100 milliards de dollars en 2025. Et selon Forrester, 88 % des décideurs télécoms européens ont déjà adopté ou prévoient d’adopter des solutions IoT. Cette expansion rapide pousse naturellement les entreprises à étendre leurs déploiements IoT au-delà de leurs marchés domestiques.

Mais la réalité du terrain révèle une logique différente de celle qu’on pourrait imaginer. « L’entreprise ne définit pas sa stratégie de déploiement IoT à l’international en fonction du roaming », explique Alae Assoussi. « Elle dispose déjà de ses filiales et activités internationales, et se pose ensuite la question de numériser ou d’industrialiser des processus existants ». Autrement dit, l’internationalisation IoT ne part pas d’une volonté technologique, mais d’un besoin opérationnel sur des territoires déjà maîtrisés.

L’industrie automobile en exemple

Cette approche change tout. Prenons l’exemple de l’industrie automobile : un constructeur présent sur tous les continents se voit contraint d’intégrer des solutions IoT dans ses véhicules, ce pour plusieurs raisons :

  • se conformer aux nouvelles réglementations sur les appels d’urgence automatiques,
  • répondre aux attentes croissantes des clients en matière de services connectés,
  • anticiper les besoins de maintenance prédictive.

Du jour au lendemain, chaque véhicule produit devient un objet connecté, qui doit fonctionner partout où la marque est implantée. Le constructeur se retrouve aussi confronté à l’ensemble des contraintes techniques et réglementaires du monde entier.

5 défis majeurs pour le déploiement IoT à l’international

Défi n°1 : maîtriser la connectivité internationale malgré la volatilité du roaming

La connectivité internationale repose sur des fondations plus fragiles qu’il n’y paraît. Le roaming, qui permet à un opérateur d’utiliser les réseaux d’autres opérateurs à l’étranger, constitue le socle technique du déploiement IoT mondial. Mais comme le souligne Alae Assoussi, « le roaming n’est ni stable ni figé ». Les accords commerciaux entre opérateurs peuvent évoluer du jour au lendemain, certaines clauses pouvant faire basculer les tarifs et changer radicalement la donne économique et technologique d’un projet.

Cette instabilité se manifeste différemment selon les zones géographiques. L’Europe bénéficie d’une relative homogénéité avec des bandes communes (800/1800/2600 MHz pour la 4G), tandis que les États-Unis utilisent des fréquences différentes (700/1700/1900 MHz). En Asie, la fragmentation s’accentue encore avec des standards régionaux comme le TD-LTE en Chine. Cette mosaïque technologique rend illusoire l’idée d’un équipement universel.

Même si des accords préexistent, cela ne garantit pas automatiquement la possibilité de déployer des services B2B IoT sur toutes les destinations.

Alae Assoussi

La cartographie précise des zones de déploiement devient cruciale. Elle doit intégrer non seulement les aspects techniques mais aussi les contraintes commerciales : certains accords de roaming ne couvrent que le trafic voix et data grand public, excluant les flux IoT M2M.

Certaines destinations comme la Chine imposent quant à elles des contraintes radicales :

  • recours obligatoire à un opérateur local,
  • certification obligatoire des équipements par le MIIT (Ministry of Industry and Information Technology),
  • hébergement local des données.

Dans ces cas, l’architecture doit combiner roaming international et partenariats locaux pour garantir la couverture globale.

L’approche progressive par zones s’impose donc comme la stratégie la plus sûre. L’Europe constitue le terrain d’apprentissage idéal avec « un environnement homogène et réglementairement stable », qui permet de valider la solution avant d’attaquer des marchés plus complexes où, comme en Afrique, les coûts peuvent varier du simple au triple selon les opérateurs locaux.

Défi n°2 : naviguer dans le labyrinthe réglementaire

Contre toute attente, la principale difficulté du déploiement international ne réside pas dans la technique. « La partie technique est la plus quantifiable : connaître quelle technologie est déployée, quels accords existent, quelles fréquences sont utilisées. Tout cela est accessible lorsque l’on est accompagné par des experts », souligne Alae Assoussi. Le véritable défi se cache dans la dimension réglementaire, soumise à des évolutions imprévisibles et à des interprétations variables selon les juridictions.

Le contexte géopolitique actuel amplifie cette incertitude. « Avec les décisions imprévisibles de certains dirigeants, nos clients nous sollicitent pour connaître notre vision à moyen terme. Mais comme eux, nous devons sans cesse nous adapter », reconnaît Alae Assoussi. Les sanctions économiques, les restrictions commerciales ou les nouvelles réglementations peuvent surgir sans préavis, comme l’ont démontré les restrictions récentes sur les exportations de technologies vers certains pays.

L’analyse préalable doit couvrir plusieurs dimensions :

  • certifications produits (CE en Europe, FCC aux États-Unis, CCC en Chine),
  • licences d’exploitation (notamment pour les fréquences radio),
  • conformité des données (RGPD, CCPA californien, PDPA singapourien),
  • réglementations sectorielles spécifiques.

Cette complexité nécessite souvent le recours à des experts juridiques locaux pour éviter les pièges réglementaires. « Nous privilégions une approche 80% proactive, 20% réactive », précise l’expert. Cette proactivité se traduit par une veille réglementaire quotidienne et des comités de pilotage réguliers.

Défi n°3 : éviter le piège de l’universalité technologique

L’illusion d’une technologie universelle constitue l’une des erreurs les plus coûteuses du déploiement IoT à l’international. Si la 4G semble omniprésente, sa mise en œuvre varie considérablement : un module tri-bande européen (B3/B7/B20) sera inopérant sur les bandes américaines (B2/B4/B12). Cette incompatibilité s’étend aux protocoles de communication. Ainsi, le LTE-M et NB-IoT, pourtant standardisés, connaissent des déploiements inégaux selon les régions. L’évolution du paysage technologique ajoute une couche de complexité. Le Japon et la Suisse ont déjà éteint leurs réseaux 2G/3G, et supposent des migrations matérielles immédiates. « Lorsque la 2G/3G est abandonnée, il faut opérer un changement d’équipement et intégrer, au plus vite, une autre technologie », illustre l’expert. À l’inverse, certains marchés émergents restent massivement dépendants de la 2G pour l’IoT.  Face à cette réalité, l’implication précoce de l’opérateur est un impératif. « Trop souvent, le client nous contacte après avoir choisi ses équipements et sa technologie, mais la destination ne supporte pas la technologie en question ou les fréquences ne sont pas compatibles », regrette Alae Assoussi.

Cette consultation dès la phase de conception permet de :

  • sélectionner des modules multi-bandes adaptés à l’ensemble des zones cibles,
  • anticiper les besoins en certifications,
  • optimiser les coûts en évitant les développements multiples.

L’accompagnement des experts de Bouygues Telecom Business permet d’anticiper les migrations technologiques : identification des zones à risque d’extinction 2G/3G, planification des mises à jour firmware over-the-air, dimensionnement des stocks de modules de remplacement par région. « Nous faisons bénéficier nos clients des leçons tirées de déploiements antérieurs » souligne Alae Assoussi.

Défi n°4 : assurer une supervision globale de la flotte

La supervision d’une flotte IoT internationale exige bien davantage qu’un simple tableau de bord consolidé. Cette exigence se heurte à la réalité des zones blanches (haute mer, déserts, zones polaires), des limitations de roaming dans certains pays, et de la diversité des protocoles de supervision selon les opérateurs partenaires. La plateforme de supervision doit offrir une vue unifiée malgré l’hétérogénéité des sources. Elle intègre les remontées directes en roaming, les données des partenaires locaux via API, et gère les synchronisations différées pour les équipements ayant traversé des zones sans couverture. Les alertes doivent être configurables par zone géographique : un seuil de consommation normal en Europe peut signaler une anomalie en Asie où les tarifs de roaming sont plus élevés.

Défi n°5 : sécuriser les données dans un contexte réglementaire fragmenté

La sécurisation d’une flotte IoT internationale confronte à un paradoxe : maintenir une cohérence globale tout en respectant des réglementations divergentes. Au-delà de la conformité réglementaire, les menaces sécuritaires varient selon les zones. Les objets connectés, souvent déployés dans des environnements peu sécurisés, constituent des cibles privilégiées pour les cybercriminels.

L’architecture de sécurité doit s’articuler autour de plusieurs piliers :

  • Le chiffrement de bout en bout protège les données en transit, avec des certificats TLS adaptés aux capacités limitées des objets IoT.
  • L’authentification mutuelle garantit l’identité des équipements via des certificats X.509, et évite l’usurpation d’identité et l’injection de faux dispositifs dans la flotte.
  • L’hébergement modulaire des données répond aux contraintes de localisation : serveurs locaux en Chine, en Russie et dans les pays exigeant la résidence des données, interconnectés via des tunnels chiffrés avec les plateformes centrales.

Cette architecture permet la conformité locale tout en offrant une vision consolidée pour l’exploitation globale.

Déploiement IoT à l’international : 3 cas concrets

L’industrie automobile

Un constructeur automobile mondial illustre bien la complexité d’un projet IoT à l’échelle internationale. Chaque véhicule embarque une carte SIM qui doit fonctionner sur tous les continents pour assurer :

  • les appels d’urgence,
  • les services connectés de navigation et de diagnostic,
  • et la télémétrie pour la maintenance prédictive.

Nous accompagnons l’un des groupes leaders dans ce secteur, présent sur tous les continents. Nous faisons face à des contraintes réglementaires variées et à la cohabitation de technologies cellulaires hétérogènes.

Alae Assoussi

Cette complexité impose une cartographie précise des technologies disponibles par zone, des comités de suivi mensuels pour des ajustements rapides, et une supervision mondiale unifiée – indispensable notamment pour la gestion des appels d’urgence. Cette architecture hybride garantit une connectivité continue tout en optimisant les coûts selon les régions.

automobile objets connectés

La logistique maritime

Le suivi des conteneurs maritimes constitue un autre défi emblématique de la connectivité IoT mondiale. Ces conteneurs traversent les océans et transitent par des dizaines de pays, nécessitant une connectivité fiable et homogène pour assurer une traçabilité en temps réel.

Dans ce contexte, le recours à des technologies basse consommation est essentiel pour préserver l’autonomie énergétique sur de longues durées. Il faut également gérer les zones blanches, notamment en haute mer, avec une synchronisation automatique des données dès le retour en zone couverte. Les réglementations portuaires, différente d’un pays à l’autre, exigent enfin des ajustements spécifiques à chaque étape.

Cette visibilité globale permet :

  • d’optimiser les routes maritimes,
  • de prévenir les vols et pertes,
  • et d’améliorer l’efficacité de l’ensemble de la chaîne logistique.

La sécurité des ascenseurs

Un fabricant d’ascenseurs international devait également assurer le déploiement IoT de ses équipements à l’échelle mondiale. Pour superviser et maintenir à distance ses installations, l’entreprise a choisi une approche flexible, adaptée aux spécificités locales plutôt que d’imposer un opérateur unique.

Il y a une présence en Europe, et un choix d’opérateurs par zone ailleurs. Aux États-Unis, ils ont pris un autre opérateur. En Europe, ils ont choisi Bouygues Telecom.

Alae Assoussi

Cette stratégie permet d’optimiser les coûts et la qualité de service selon les régions, tout en maintenant une supervision centralisée. Qu’un ascenseur tombe en panne à New York ou à Paris, l’alerte remonte instantanément vers les équipes de maintenance locales grâce à des protocoles standardisés. L’enjeu principal : garantir un niveau de service homogène malgré la diversité des partenaires techniques.

Ce qu’il faut retenir…

  1. Privilégier une approche progressive : démarrez par l’Europe comme zone d’apprentissage stable, puis procédez zone par zone.
  2. Impliquer l’opérateur dès la conception : cette consultation précoce évite les erreurs coûteuses et permet de bénéficier du retour d’expérience.
  3. Adopter une gouvernance équilibrée 80/20 : 80 % de proactivité avec veille quotidienne et comités réguliers, 20 % de réactivité.
  4. Intégrer la supervision globale dès le départ : avec des SLA précis et des processus d’escalade internationale.
  5. Sélectionner un opérateur expérimenté : capable d’accompagnement proactif sur les aspects techniques et réglementaires.
Alae Assoussi
Alae Assoussi
Responsable de compte et avant-vente IoT chez Objenious