
Le cadre juridique des opérations de démarchage téléphonique commercial continue de se durcir en France. Les opérateurs jouent un rôle clé dans ce contexte réglementaire en évolution. Explications sur les nouvelles règles et dispositifs qui encadrent désormais cette pratique.
La loi NAEGELEN : le fondement de l’encadrement actuel
La loi n° 2020-901 du 24 juillet 2020, dite loi NAEGELEN , constitue le socle législatif actuel visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Cette loi, adoptée par le Parlement le 15 juillet 2020 et publiée au Journal Officiel le 25 juillet 2020, apporte des modifications importantes au code de la consommation pour mieux protéger les consommateurs face aux pratiques abusives.
Parmi les mesures introduites par cette loi figurent :
- L’interdiction du démarchage téléphonique dans le secteur de la rénovation énergétique,
- L’encadrement des jours et horaires autorisés pour le démarchage,
- L’introduction de sanctions renforcées en cas de non-respect des règles,
- L’obligation pour les opérateurs téléphoniques de mettre en place un dispositif d’authentification des numéros.
Démarchage par téléphone : les Numéros Polyvalents Vérifiés (NPV) changent la donne
Depuis le 1er janvier 2023, une nouvelle réglementation encadre plus strictement le démarchage afin de limiter le harcèlement téléphonique.
Les plateformes de prospection téléphonique qui utilisent des systèmes d’appels automatisés ne peuvent plus passer leurs appels sortants avec des numéros géographiques (01, 02, 03 etc.) et des numéros de mobiles (06 ou 07).
Ces plateformes doivent désormais utiliser une nouvelle catégorie de numéros réservée à cet usage, appelés « Numéros Polyvalents Vérifiés » (NPV). Ils ont été définis dans le cadre du nouveau plan national de numérotation établi par l’Arcep, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse.
En France métropolitaine, les Numéros Polyvalents Vérifiés commencent par 0162, 0163, 0270, 0271, 0377, 0378, 0424, 0425, 0568, 0569, 0948, 0949. Des préfixes spécifiques sont également attribués pour les territoires d’outre-mer.
L’objectif de l’Arcep est de mieux protéger les utilisateurs (particuliers et professionnels) contre les abus et les fraudes, avec la création de cette nouvelle catégorie de numéros dont la nature commerciale peut être clairement identifiée par les personnes appelées.
A titre d’exemple, La division Entreprises Bouygues Telecom, pour ses activités télémarketing, a demandé à l’ARCEP de disposer de 10 000 numéros NPV pour les zones géographiques : 01, 02, 03, 04, 05 et pour la tranche non géographique : numéros en 09.
Les opérateurs téléphoniques qui affectent des NPV à leurs clients (un call center par exemple) doivent vérifier et garantir, notamment aux autres opérateurs, que l’utilisation d’un tel numéro a reçu l’accord explicite préalable de l’entreprise utilisatrice de ce numéro. Dans le cas contraire, la prochaine étape du dispositif, déployée à l’horizon 2026, prévoit, dans le cadre de la délégation d’affichage que l’opérateur ne doit pas autoriser l’appel.
Une fréquence et des horaires désormais encadrés pour le démarchage téléphonique
Depuis le 1er mars 2023, le démarchage commercial téléphonique des particuliers est encadré par des tranches horaires strictes.
Le démarchage téléphonique est autorisé uniquement du lundi au vendredi, de 10h à 13h et de 14h à 20h. Il est interdit le samedi, le dimanche et les jours fériés. De plus, un consommateur ne peut pas être appelé plus de quatre fois par mois par le même professionnel ou par une personne agissant pour son compte. Ce nombre comprend les tentatives d’appels, les appels aboutis argumentés ou non, et les messages sur répondeur.
Si une personne refuse le démarchage lors d’un appel, le professionnel a l’obligation de s’abstenir de la contacter durant une période d’au moins 60 jours à compter de ce refus.
Harcèlement téléphonique : comment fonctionne le Mécanisme d’Authentification des Numéros (MAN)
La loi NAEGELEN a également imposé aux opérateurs téléphoniques de mettre en place un dispositif d’authentification des numéros. Ce dispositif, appelé Mécanisme d’Authentification des Numéros (MAN), est entré en vigueur au 1er octobre 2024. Il concerne les appels et messages présentant un numéro français.
Le MAN est un protocole qui garantit la validité des numéros appelants, réduisant ainsi les risques de fraude, notamment l’usurpation de numéros. Il fonctionne grâce à une architecture basée sur des certificats numériques. Lorsqu’un appel est initié, le fournisseur de téléphonie de l’appelant signe l’appel avec une clé reliée à un certificat attestant l’authenticité du numéro.
Avec l’implémentation du MAN, chaque appel est associé à un niveau d’attestation, indiquant la fiabilité de l’authentification :
- Attestation A : l’appelant est authentifié et connu de l’opérateur, utilisant un numéro qui lui appartient.
- Attestation B : l’appelant est authentifié et connu de l’opérateur, mais affiche un numéro qui ne lui appartient pas ou sans autorisation.
- Attestation C : l’opérateur ne peut pas authentifier l’appelant.
Depuis le 1er octobre 2024, tous les numéros qui ne sont pas authentifiés par les opérateurs télécoms sont systématiquement bloqués, renforçant ainsi la protection des consommateurs contre les appels frauduleux.
Pour aller plus loin, ne manquez pas notre article complet consacré au projet MAN.
Dépasser les insuffisances du dispositif Bloctel
Malgré le renforcement progressif du dispositif Bloctel (liste d’opposition au démarchage téléphonique), celui-ci montre toujours des limites. Fin 2024, seuls 2 430 professionnels adhéraient au service Bloctel, ce qui paraît demeurer un nombre faible en comparaison du nombre d’acteurs du démarchage. De plus, certains démarcheurs se présentent comme des enquêteurs ou des conseillers afin de contourner l’interdiction de démarchage faite via Bloctel. Cette insuffisance du dispositif actuel explique en grande partie la volonté du législateur de passer à un système d’opt-in, où le consentement préalable des consommateurs serait requis.
Vers un système d’opt-in : une révolution en cours
Une évolution plus significative du cadre réglementaire a été adoptée par le Sénat le 14 novembre 2024, puis par l’Assemblée nationale le 6 mars 2025, et vise à interdire le démarchage téléphonique d’un consommateur qui n’a pas exprimé préalablement son consentement (« opt-in »). L’entrée en vigueur de cette loi n’est pas connue à ce stade mais pourrait intervenir mi-2026.
Cette loi prévoit le passage du régime actuel de l’opt-out (qui repose sur une opposition a posteriori du consommateur à être démarché) vers celui de l’opt-in, qui conditionne le démarchage au consentement préalable du consommateur. Les contrevenants seront passibles d’une amende administrative pouvant aller jusqu’à 75 000 euros pour une personne physique et 375 000 euros pour une personne morale.
Certaines exceptions sont prévues : l’interdiction ne s’appliquerait pas lorsque la sollicitation intervient dans le cadre de l’exécution d’un contrat en cours et a un rapport direct avec l’objet de ce contrat.
Si, à l’origine, le législateur envisageait des dérogations pour les entreprises vendant à domicile des denrées alimentaires ou produits destinés à l’alimentation des animaux de compagnie. Ce ne sera finalement pas le cas. Plus aucune exception ne devrait donc être acceptée !
Démarchage téléphonique : une protection (enfin) renforcée des consommateurs ?
L’évolution du cadre réglementaire du démarchage téléphonique témoigne d’une volonté clairement affichée de mieux protéger les consommateurs contre les pratiques abusives. Le passage progressif vers un système d’opt-in, conjugué à l’authentification des numéros et aux restrictions horaires et de fréquence, devrait contribuer à réduire significativement les nuisances associées au démarchage téléphonique.
Les opérateurs téléphoniques, en tant qu’acteurs clés de ce dispositif, ont un rôle crucial à jouer dans la mise en œuvre et le respect de ces nouvelles règles. La division Entreprises Bouygues Telecom, comme tous les autres opérateurs, doit adapter ses pratiques et celles de ses clients pour se conformer à ce cadre réglementaire en constante évolution.
Ce qu’il faut retenir
- La loi NAEGELEN (2020) réduit les abus en interdisant le démarchage pour la rénovation énergétique.
- Depuis janvier 2023, les centres d’appels doivent utiliser des Numéros Polyvalents Vérifiés (NPV) spécifiques.
- Le MAN bloque désormais automatiquement, depuis octobre 2024, tous les appels non authentifiés par les opérateurs télécoms.
- Janvier 2026 : passage à l’opt-in, interdisant tout démarchage sans consentement préalable du consommateur.
Source :
(1) https://www.arcep.fr/actualites/actualites-et-communiques/detail/n/plan-de-numerotation-050922.html